Être un enfant à Manompana...
Il y a beaucoup d'enfants dans le village et beaucoup de bébés. On voit souvent de jeunes papas qui s'occupent de leurs bébés. On sent qu'ici, les petits enfants sont aimés. Mais leur vie est parfois dure. Nous les rencontrons sur le chemin pour aller à la bibliothèque. Nous sommes interpellées de multiples fois par "salut Vazaha, comment tu t'appelles?". Tous les enfants petits et grands circulent librement sur la route (N5 plutôt une piste) il y a très peu de circulation : des camions et 4/4, quelques scooters ou motos, pas mal de vélos. C'est un peuple qui marche marche, marche énormément
Quelques anecdotes de leur vie...
Trois enfants viennent de la brousse à pied : Selsa,( 9 ans) Rosidan, (10 ans) Gilda,(11 ans) tous en CE2. Ils partent le dimanche après midi vers Manompana; ils font 22 kms et ils repartent le samedi matin chez eux . Ils apportent leur nourriture et vivent seuls tous les trois dans une case et c'est l'aîné Glida qui fait à manger. Leurs parents sont agriculteurs dans la brousse.
Djakaël 7 ans qui arrive de la brousse pour la semaine et qui vit chez une tante est noyé dans le CP2 (CE1). Il ne sait pas lire le malgache et par contre calcule très bien. Je demande à Léonard de le mettre en CP. Quelques jours après je le revoie souriant et moins à la peine qu'en CP2... Un autre enfant devrait aussi aller en CP1...
Miora, collégienne en 6ème parle bien le français , sa maman est couturière. Elle vient souvent à la bibliothèque. Son petit frère est dans la classe de Vincent. Elle vient le chercher en vélo, il est neuf et cela indique la famille est plus aisée....ou moins pauvre.
Une jeune fille , "Odia "est arrivée avec un foulard sur la tête cela veut dire " mal de dents" . Elle est lycéenne et son lycée est à 25 kms de Manompana . Tous les lundis, elle part à pied à 6 h du matin et arrive vers 11 h pour les cours qui commencent l'après midi. Donc 5h de marche et même chose le vendredi!
Elle venait voir si nous avions des médicaments. J'en ai apporté le lendemain à tout hasard et elle est venue. Je lui ai donné deux comprimés d'aspirine et on lui a dit d'en écraser un peu sur sa dent cariée. Elle a été vite soulagée mais elle a manqué le lycée toute la semaine et est venue tous les après midis à la bibliothèque pour faire des bracelets et des fleurs en papier. Le vendredi c'était son anniversaire et elle est repartie avec un petit sac d'élastiques pour faire quelques bracelets. Peut être va-t-elle en vendre?
Un étudiant, Abdul. 22 ans est en droit à Tamatave . Il attend les résultats des examens. Il trouve très dur de vivre loin de son village. Sa mère lui manque. Nous le charrions un peu et on apprend qu'il est papa d'un petit garçon de six mois! Son père tient une gargote à côté de la marmaille à la case. Nous y avons déjeuné une fois, le chat sur la table.
Il viendra plusieurs fois à la marmaille à la case pour parler et nous présenter son fils.
Sylvestre, un petit garçon de CP2 de la classe de Vincent sort pendant la leçon de lecture. Je le vois passer une première fois avec un seau vide. Il revient en courant dans la classe chercher un genre de pichet qu'il remplit d'eau (dans chaque classe il y a un seau d'eau pour laver le tableau); Il repart et je le vois repasser avec un seau plein d'eau. Je demande à Vincent ce qu'il fait. Sylvestre avait besoin d'eau pour "la douche" (le WC en plein air), mais la pompe était désamorcée! il avait besoin du pichet d'eau pour la réamorcer et ensuite pomper de l'eau, et aller nettoyer les toilettes. Anecdote de la vie ordinaire des enfants, comme le geste de chasser les poules qui rentrent dans la classe.
Seuls dans leur case...